Activités physiques et sportives
Programmation d'automne 2024
LaurentidesQui est Line Chaloux. L’engagement social est une réalité un peu génétique pour moi. Je n’ai pas connu mon arrière-grand-mère. C’est ma grand-mère qui m’a raconté la vie de cette femme très engagée. Elle faisait partie des premières familles venues s’installer dans la région des Laurentides. Elle a été baptisée par le curée Labelle. C’était une sagefemme, qui s’occupait des endeuillés, nourrissait des personnes âgées isolées. Il y avait trois congrégations religieuses à St Jérôme et elle siégeait sur les comités de gestion de ces groupes. Elle a eu 17 enfants. Depuis ma jeunesse, elle a été mon exemple. C’est ma foi qui m’amène à cet engagement. Je crois que chaque humain a sa part à faire pour améliorer l’humanité. J’ai foi en l’homme et en la femme. Nous avons tout ce qu’il faut pour vivre dans un monde pacifique. Mais il nous faut nous impliquer, collaborer. Vivre au Canada, au Québec, dans une démocratie, permet de prendre des initiatives pour améliorer les choses. Je crois que j’ai exploré tout ce que je pouvais mettre en place pour améliorer la situation.
La fondation du COFFRET date de la fin des années 80. Je suis allée à Vancouver, à l’exposition universelle. Il y avait un pavillon de l’ONU, et là, un kiosque du Haut-Commissariat aux réfugiés. Je n’avais jamais entendu parler des réfugiés. J’ai eu un coup de foudre. J’ai vu que ces gens étaient les plus démunis de la terre, sans terre, sans pays, sans protection. J’ai appliqué à l’ONU pour travailler avec eux. Ils m’ont plutôt conseillé de fonder un organisme capable de recevoir des réfugiés. C’est ainsi que le COFFRET a fait ses premiers pas. Par la suite, Avec la Société Saint-Jean Baptiste, nous avons collaboré à une recherche sur le développement démographique des Laurentides. L’étude portait sur le vieillissement de la population, la dénatalité et l’immigration. Il y a eu des consultations régionales. Des recommandations ont été déposées, et parmi elles, celle de fonder un organisme pour améliorer la rétention des immigrants dans les Laurentides et aider les communautés à être accueillantes car il y avait des immigrants qui venaient dans la région mais ne restaient pas parce qu’ils n’avaient personne pour les aider.
La régionalisation de l’immigration. C’est à cette même époque que le ministère de l’Immigration du gouvernement du Québec a déposé un livre blanc sur la régionalisation de l’immigration, qui disait qu’il fallait absolument sortir des immigrants de Montréal, pour ne pas créer au Québec deux sociétés, celle de Montréal, très diversifiée, et le reste du Québec. Nous avons été un des premiers organismes à être financés pour la régionalisation de l’immigration au Québec. Les gens étaient très heureux de s’établir dans le nord. Puis le maire de Montréal a appris que nous leur prenions de futurs Montréalais, alors ils nous ont refusé l’accès. On a développé d’autres méthodes pour attirer des immigrants. C’est dans ce contexte qu’est né le COFFRET. Très rapidement, en 1995, nous avons reçu les premiers réfugiés de la Bosnie, et ensuite des Africains, des Colombiens, des Bhoutanais. Dernièrement, nous avons reçu les Syriens. Nous sommes à l’écoute de ce qui se passe sur la planète, des besoins, pour voir quels pays ont le plus besoin de nous. Nous avons travaillé depuis 10 ans à essayer d’ouvrir un couloir humanitaire pour favoriser l’arrivée des réfugiés et qu’ils puissent obtenir leurs papiers ici, directement, le plus rapidement possible. Actuellement, le gouvernement a décidé d’ouvrir un couloir humanitaire. Nous sommes très contents de cette décision. Nous travaillons aussi sur un projet pour parrainer des enfants abandonnés dans des camps de réfugiés. Il y en aurait plus d’un million présentement. Ce sont des enfants qu’on ne peut pas adopter parce qu’on n’a pas de preuves du décès de leurs parents. Souvent, eux-mêmes n’ont pas de papiers d’identité. Ce sont des enfants qu’on peut parrainer, qui resteraient sous la tutelle de familles humanitaires, mais qu’on ne peut pas adopter en tant que tel. Avec le couloir humanitaire, nous nous attendons à recevoir des enfants. Notamment en Ukraine, il y a des orphelinas qui ont été vidés. On va pouvoir accueillir des jeunes.
Les organismes d’accueil des immigrants et réfugiés. Les organisations sont nombreuses. Ce matin, nous étions 95 organismes présents à une rencontre avec le ministère de l’Immigration sur le renouvellement des programmes pour la nouvelle année. Il y en a une trentaine à Montréal, beaucoup à Laval, Québec, Sherbrooke, Trois Rivières. Dans les Laurentides, nous avons trois organismes, dans Lanaudière aussi, ils sont trois. Chacun a ses particularités. Beaucoup font de l’employabilité, mais pas le COFFRET. Nous avons plutôt un partenariat avec CIE Laurentides. Dans les Laurentides, c’est le COFFRET, dans les Basses Laurentides, à Ste Eustache, c’est Accueil Basses Laurentides, et à Mont-Laurier, c’est Zone emploi. Il y a des organismes dont le mandat est d’accueillir des réfugiés dans 14 régions du Québec, et ils tendent à évoluer un peu comme les CLSC, qui ont commencé très petits et pris de l’ampleur. C’est cette transformation qu’on vit actuellement. Notre équipe a doublé en trois ans. Le besoin de main d’œuvre est criant partout en Occident. Dans les Laurentides, des restaurants, des entreprises ferment par manque de main d’œuvre. Il faut absolument faire venir des immigrants. C’est la solution pour la prospérité économique.
La mission. Le COFFRET a une vocation de coordination pour assurer la rétention de tout ce monde qui arrive. Si monsieur arrive comme un travailleur professionnel dans une entreprise, il faut aussi prendre soin de madame et des enfants, parce que si madame et les enfants sont malheureux, ils voudront s’en aller, et monsieur ne restera pas tout seul. Il faut toujours avoir un recul, pour accompagner la famille au complet. On veut accompagner les MRC pour qu’ils invitent, dans leurs festivals, les groupes de musique, des chanteurs des communautés ethniques qui sont sur leurs territoires. On publie un bottin des artistes issus de la diversité culturelle. Les communautés doivent devenir accueillantes et s’ouvrir, car on ne peut pas s’en sauver sans l’immigration. Notre première mission, au COFFRET, c’est de travailler avec les immigrants : travailleurs temporaires, étudiants étrangers, personnes qui viennent retrouver leurs familles. Et parmi cette clientèle, nous avons les réfugiés. Il y a aussi toute sorte de réfugiés : ceux arrivés ici en faisant une demande de statut de réfugiés en arrivant au Canada, d’autres pris en charge par le gouvernement et parrainés par l’État. C’est le gouvernement canadien qui va les chercher pour les amener ici. St Jérôme est une des 14 destinations au Québec pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement. Le COFFRET parraine aussi des réfugiés. Nous avons parrainé une dizaine de familles syriennes, et nous parrainons actuellement des familles africaines.
Nous travaillons avec toutes les clientèles et tous les groupes d’âge. Nous avons un Espace parent. Nous accompagnons des parents chez qui nous avons observé des difficultés dans leurs habilités parentales, entre autres ceux qui n’ont d’autres moyens d’appliquer leur autorité que de frapper ou de battre l’enfant, pour trouver des alternatives. Parce que dans leurs héritages culturels, ils n’ont pas d’autres références. Et nous sommes médiateurs dans les cas ou les familles immigrantes doivent se défendre devant la DPJ. Nous sommes aussi avec la DPJ pour expliquer aux familles immigrantes ce qu’elles font et qui est inacceptable. Nous travaillons avec les deux piliers.
Nous faisons aussi de la stimulation précoce. Des enfants nés pendant l’occupation, les bombardements, qui ont été restreint dans leurs mouvements, développent des problèmes neuromoteurs. Nous observons des jeunes qui ont de la difficulté à courir, à monter dans des modules dans la cour d’école. C’est parce que petits, ils ont été tenus dans une immobilité et n’ont pas pu développer les circuits de coordination pour être à même d’avoir la même agilité que les enfants de leur âge. Nous faisons de la stimulation précoce avec eux. Nous avons aussi des activités avec les adolescents. Chaque été, nous organisons des camps de jour et nous nous sommes aperçus qu’il y a des jeunes dont les parents ont passé 20 ans dans un camp de réfugiés, et qui n’avaient jamais rien connu d’autre. Certains ne savaient pas ce qu’est la lune. On a décidé d’avoir un camp de jour pour leur donner de la formation de base. En 2021, nous les avons amenés au Planétarium, à la Biosphère, au Cosmodôme, partout où nous pouvions, pour ouvrir leurs horizons, les encourager à être curieux. Nous essayons aussi de les soutenir dans leurs résultats scolaires, avec l’aide aux devoirs chaque semaine, parce qu’on comprend que leurs parents ne sont pas en mesure de les aider. Nous offrons aussi de l’aide à des familles qui ont adopté à l’international, et qui rencontrent des difficultés d’intégration de leurs enfants à l’école.
Nous développons la communication non-violente. Nous sommes médiateurs dans plusieurs dossiers. Les cas étant de plus en plus complexes, nous devons renouveler nos pratiques, nos manières d’intervenir. Nous recevons beaucoup de formation, ce qui nous aide beaucoup. Nous sommes aussi intervenants, faisons de la médiation entre un entrepreneur et son employé et d’autres fois, entre des employés, entre la personne qui a posé des actes et l’immigrant qui se sent victime de quelque chose. Il faut qu’on réussisse à calmer tout le monde, à ce que les gens communiquent de manière constructive, avec respect et dignité.
Nous organisons différents jumelages : les jumelages pour l’intégration prennent deux formes. L’une est interculturelle, d’une culture à l’autre, des Québécois et des personnes immigrantes. L’objectif est de se lier d’amitié pour accompagner la personne arrivant dans son processus d’intégration. L’autre est communautaire et on va jumeler la personne immigrante avec quelqu’un issue de la même communauté pour qu’ils puissent échanger sur les enjeux de l’intégration. Il y a aussi les jumelages linguistiques pour l’apprentissage du français. Les personnes communiquent par zoom, téléphone ou en personne. C’est très facile, vous restez dans votre salon, il suffit de se donner rendez-vous, et de jaser. L’objectif est de permettre à la personne de pratiquer son français, élargir son argumentaire et son vocabulaire. On voit des progrès très rapides chez les personnes qui bénéficient d’un jumelage linguistique. Si vous êtes intéressée à être jumelée à une personne Ukrainienne, une personne immigrante, c’est possible. Sur notre site, il y a une adresse à laquelle vous pouvez vous inscrire.
Le Coffret fait également de la sensibilisation. Nous avons 30 ans d’existence, et donc un peu d’expérience, nous savons qui nous pouvons convaincre, qui nous ne pouvons pas. Nous nous investissons beaucoup sur les jeunes, à cause de leur disponibilité à s’ouvrir sur de nouvelles façons de voir le monde. Nous faisons énormément de la sensibilisation dans les écoles, surtout secondaires, et avec les classes lorsque nous y inscrivons un enfant. Nous donnons des conférences à l’université, au Cegep, dans les programmes de travail social, de psycho éducation, d’éducation spécialisée. A l’UQO a Saint Jérôme, Les étudiants du programme en administration auront à travailler avec des immigrants. Nous faisons de la sensibilisation avec eux. Nous donnons aussi des ateliers de sensibilisation, voir même de formation, à des regroupements de services de garde, aux policiers, à des enseignants. Nous offrons deux formations annuelles. Une centaine de personnes des réseaux de la santé et de l’éducation, dont des enseignants et des éducateurs spécialisés participent à ces conférences. Nous nous voyons comme des agents de changement, qui apportent un soutien permettant aux personnes de changer leur vision. Ça nous prend un regard lunaire pour voir évoluer la civilisation humaine. Il faut prendre du recul et là, regarder ce qui se passe pour comprendre les enjeux, et voir, malgré toute notre impuissance, comment on peut participer à élever les consciences, à faire en sorte que les gens se mobilisent, soient capables de s’impliquer et ressentent moins l’impuissance devant ce dont nous sommes témoins dans le monde.
Nous recevons peu d’ainés. C’est difficile pour eux de faire une demande d’immigration. Une personne de 80 ans ne peut pas faire une demande d’immigration au Canada et arriver seule. Il y a un âge limite. Les ainés que nous allons côtoyer sont arrivés avec leurs enfants, qui en prennent soin généralement. Ils n’arrivent jamais seuls. Alors nous n’en recevons pas tellement. Nous avons déjà essayé d’organiser des groupes d’ainés, mais ça ne marche pas parce que les ainés immigrants restent avec leur famille. Ce sont elles qui gardent les petits-enfants. C’est très tissé serré, les familles immigrantes. Ce n’est pas une réalité que nous avons à gérer quotidiennement.
Nous établissons des relations durables avec les personnes que nous recevons. Il est particulièrement difficile de faire confiance après avoir vécu une guerre civile, ou du jour au lendemain vos voisins deviennent vos ennemis. Nous avons développé une proximité relationnelle afin d’apaiser les gens pour qu’ils développent de la confiance et qu’ils baissent les épaules et se laissent aider. Ma meilleure amie est arrivée en 96 de Bosnie et on est aujourd’hui comme deux sœurs. Pour beaucoup sont arrivés ici et n’ont pas de famille, je suis un peu comme la grand-mère de leurs enfants.
L’appui apporté par la communauté au travail du COFFRET. Il ne faut pas déshabiller Jean pour habiller Paul. Il ne faut pas donner des services aux réfugiés et enlever des services à des citoyens des Laurentides. La communauté est très engagée. Ses membres ont beaucoup de dignité et prennent soin des gens autour d’eux. La communauté possède une certaine autonomie dans sa gestion des personnes démunies. On le voit par le bénévolat, les comptoirs d’entraide et alimentaires, les friperies Il faut que la communauté sache prendre soin de ses personnes démunies. Cet équilibre est très important. C’est grâce à cet équilibre qu’on peut installer des réfugiés. Nous sommes une communauté très engagée. Chaque année, nous en recevons une centaine avec lesquels nous allons travailler de manière ardue, et une autre centaine que nous verrons une fois ou deux. Présentement, il y a des urgences. Si on recevait un nombre de réfugiés supérieur à la normale, on pourrait avoir besoin de plus d’aide.
C’est l’immigration qui a construit les Laurentides. Le curé Labelle a attiré beaucoup de Français et de Canadiens français vers le Nord. Et il y a eu beaucoup d’immigrants qui se sont installés, des Polonais, Ukrainiens, Grecs, des juifs, des Italiens. La construction de la voie ferrée a amené beaucoup de travailleurs. Beaucoup sont restés, sauf les Chinois. Ils travaillent surtout aux cuisines -c’est vraiment eux qui ont fait le pâté chinois-. A l’époque, ils étaient très traditionnalistes, avaient de grandes tresses et des chapeaux. A la fin de la construction du chemin de fer, le gouvernement a autorisé tous les travailleurs temporaires, à l’exception des Chinois, à faire des demandes de résidence permanente. Il avait décidé d’accepter uniquement les chrétiens. Les Chinois n’avaient pas le droit de faire venir leur famille. A cette période, la situation politique a créé une certaine discrimination contre les Chinois, et beaucoup se sont fait agresser au Québec. Il y en a qui se sont fait couper les cheveux. Pour eux, ça a été un moment difficile et la majorité a quitté. A St Jérôme, il y avait une famille qui avait une blanchisserie, et ils ont dû quitter à cause d’agressions. C’est difficile à comprendre. Mais les Laurentides ont été construit par des immigrants. La route 11, la 117 a toujours été une route de tourisme pour les gens de Montréal, depuis le petit train du nord jusqu’à l’apparition de la voiture. Il y a toujours eu beaucoup de visiteurs, de touristes. Les Laurentides ont toujours vécu avec des étrangers. L’ouverture, l’accueil sont magnifiques, et aussi le fait qu’il y a des immigrants partout, beaucoup d’Européens, mais aussi de plus en plus de Chinois dans les dépanneurs, les motels, les petits hôtels. Tous vivent en paix, solidaires, capables de s’assurer que tout le monde va bien. Nous ne sommes pas envahissants, mais solidaires, et savons reconnaitre quand quelqu’un a besoin d’aide.
Dans les Laurentides, la proximité avec la nature est vraiment un privilège. On peut se ressourcer au bord de l’eau, c’est accessible à tout le monde. Les citoyens sont capables de revendiquer des espaces, des parcs. Des villes connaissent un développement à outrance, mais la nature reste très accessible. Ici, les grands espaces nous donnent la capacité d’avoir de grands rêves. Beaucoup de gens qui viennent dans les Laurentides pour se partir en affaires, parce qu’il y a beaucoup d’espoir, beaucoup de développement. Nous sommes une des régions du Canada à avoir le plus fort développement démographique, et parmi les premiers pour le développement économique et les attraits touristiques. C’est un privilège de vivre dans les Laurentides, au Québec, au Canada. Quand on regarde la situation dans le monde, au niveau des injustices, du partage de la richesse, nous sommes parmi les mieux lotis.
Garder les jeunes dans les régions. Les évolutions dans le développement économique, comme le télétravail qui s’est développé depuis deux ans, vont aider à garder les jeunes dans les régions. Mais il faut encore pouvoir se loger. Les modes de vie ont beaucoup changé. Il y a beaucoup plus de personnes qui vivent seules. Il y a beaucoup de divorces, de séparations. Chaque membre du couple prend un logement. C’est ce qui crée la pénurie actuelle de logements. De petites localités sont devenues rapidement incapables d’offrir du logement aux jeunes, qui doivent alors partir. Il faut penser à des projets d’immobilisation. A St Jérôme, nous mettons sur pied un Consortium habitation, avec de grands propriétaires d’immeubles, des promoteurs, pour bien identifier les besoins de la population et comprendre quels types de logements nous devons construire. Avec la société d’Habitation du Québec, on veut faire évoluer des conceptions un peu archaïques, notamment celle qui veut qu’il ne puisse y avoir plus de 2 générations qui cohabitent dans un HLM. Une personne qui habite dans un HLM ne peut recevoir sa fille et l’enfant de cette dernière, parce que cela ferait trois générations, ce qui est interdit. Cela va contre la solidarité familiale, intergénérationnelle. Il faut que la Société d’Habitation du Québec modifie ces critères. On construit beaucoup de condos mais malheureusement peu de logements abordables. Une règlementation devrait fixer un pourcentage de logements abordables à construire. Les MRC qui font tout le règlement de zonage sont impliquées. Si elles ne veulent pas dézoner un quartier pour qu’il y ait des logements multigénérationnels, ou pour qu’on puisse construire deux ou trois logements, la communauté est empêchée de développer sa capacité à garder ses jeunes. Le consortium concerne l’ensemble des Laurentides. Sur le dossier, il y a un groupe d’agents d’accompagnement pour les communautés qui veulent bâtir des résidences à couts modiques, des coopératives. C’est un groupe reconnu et accrédité pour démarrer des projets de logement communautaires et qui a des stratégies d’intervention. Il a un mandat clef en main et accompagne la communauté du début à la fin d’un projet. Il va mobiliser les institutions financières. La ville peut donner un terrain, faire des exonérations de taxes. Quand la communauté a accumulé un certain montant d’argent, la société mobilière peut les accompagner dans les démarches pour obtenir un prêt. Ce sont des projets très intéressants. Il suffit de mobiliser la communauté. Mais il faut être accompagné.
Chaque culture a quelque chose à nous apporter. Je pense ici à la communauté Bhoutanaise. Cela faisait 20 ans qu’ils étaient dans des camps de réfugiés près du Népal. Ce qui nous a le plus marqué lors de leur arrivée, c’est leur équanimité, leur équilibre dans l’humeur. Il était difficile de percevoir s’ils étaient très contents ou très fâchés. Il y avait un état d’être dans une zénitude permanente. J’espérais que nous serions contaminés par cet état d’être. Après tant de temps dans les camps, la proximité et l’intimité, je vous dirais que c’est très proche. Il n’y avait aucune conception de l’individualité. Ils étaient incapables de se percevoir sans l’autre. On s’est dit qu’on devrait la aussi se faire contaminer. Ici, la proximité qu’on a avec les autres a énormément changé depuis la révolution tranquille. Les Ukrainiens vont sans doute nous apporter un enrichissement culturel, dans la nourriture, les danses, et encore d’autres dimensions. Nous allons vivre un enrichissement intéressant.
Des communautés accueillantes. Il y a deux ans, avant la pandémie, nous avions mis en place un comité jeunesse, composé de jeunes écoliers de 8 à 25 ans. Nous avons travaillé avec eux des concepts pour un meilleur accueil des jeunes. Nous avons fait un sondage pour savoir quelles choses étaient les plus compliquées pour eux. Tous étaient d’accord pour dire qu’en première position, le plus difficile est de se faire des amis, de se construire un réseau, de lutter contre l’isolement. A long terme, le défi, c’est de devenir Québécois. Parce qu’on a beau être accueillants, si quand on rencontre quelqu’un, notre première question est : « d’où tu viens ? », c’est dire à cette personne qu’elle n’est pas d’ici. Et parler de vous et de nous, dit que tu n’es pas nous. Alors je pense que le plus gros défi, c’est avoir de la place dans nos cœurs. Quand on est témoin de toute la volonté dont les immigrants font montre pour s’intégrer, apprendre la langue, on se dit qu’il faut qu’ils deviennent des Québécois, il faut qu’un jour on les intègre, qu’on considère qu’ils font partie de la famille. Et de dire que nous, on est diversifiés. Et dans cette même idéologie, pour les premières nations aussi, Il faut à un moment donné voir qu’on partage le même territoire, et parler de « nous » et qu’ils aient droit aux mêmes choses que nous.
Les évolutions souhaitables. Il y a une évolution à réaliser dans notre démocratie. Le Québec s’en va vers le « vivre ensemble », terme très occidental pour parler de cette capacité à vivre avec une grande diversité culturelle dans la population. Il faut qu’on s’ouvre. Je crois que c’est le plus grand défi. Il y a des minorités visibles qui sont ici depuis quatre, cinq générations et on leur demande encore d’où ils viennent. C’est comme dire que si tu n’es pas de la bonne couleur, de la bonne religion, tu ne parle pas la même langue, c’est que tu n’es pas d’ici. Nous devons être capables de nous ouvrir. Le bénéfice n’est pas à sens unique. Plus nous allons accepter cette diversité plus nous allons nous concevoir comme des citoyens du monde. Plus nous sommes renfermés sur nous-même, avec un esprit de clocher, moins nous nous sentons concernés par ce qui se passe sur la planète. Plus nous sommes ouverts, plus nous allons considérer les Ukrainiens, Bosniaques, Népalais, comme nos frères et sœurs, et mieux nous serons en mesure d’intégrer les personnes issues de la diversité dans nos familles, dans notre voisinage, dans nos entreprises.
Mieux connaître notre histoire. Pour mieux accueillir les immigrants, pour mieux vivre le partage culturel avec eux, je trouve qu’on devrait mieux connaître notre histoire. Savoir qui on est, notre histoire. On n’est pas une société très vieille. 1608, c’était il y a 400 ans, ce n’est pas très long. Nous devrions mieux connaître notre passé, et reconnaître l’apport des colons. Voir le courage qu’ont eu les personnes qui sont parties de l’Europe alors qu’il y avait des guerres épouvantables, et qu’il manquait de nourriture. A Paris, à cette époque, il n’y avait plus d’eau potable. Les filles du roi sont arrivées ici, et ça a été un moment charnière dans l’histoire du peuplement du Québec. On devrait reconnaître le courage de ces femmes qui ont tout quitté pour venir ici, ou il n’y avait même pas de maison, et qu’il fallait tout faire. Ce sont ces femmes qui ont mis à l’épreuve la rigueur des hivers, qui ont su bâtir une société comme la nôtre. Le français qu’on parle aujourd’hui, nous le devons aux filles du roi. Les colons qui arrivaient parlaient différents dialectes. Les filles du Roy venaient toutes de Paris. Ce sont elles qui ont donné le fondement de la langue française au Québec. Nous devons connaître l’histoire de toutes ces femmes et ces hommes qui ont donné leur vie pour construire notre démocratie et qui, depuis ce temps, défendent la langue française, la culture française. Je trouve qu’on manque de reconnaissance par rapport à notre héritage patrimonial. On manque de reconnaissance aussi par rapport à notre patrimoine bâtit. Dès qu’un promoteur veut faire un gros projet, il peut démolir des bâtiments. Pourtant, on n’a pas beaucoup d’Histoire, de châteaux, de forteresses. Il faut être capable de garder cette fierté et de protéger notre patrimoine, surtout notre patrimoine humain, et comprendre que l’histoire des premiers Français qui sont arrivés ici ressemblent à l’histoire des immigrants qui arrivent aujourd’hui, et que nous faisons partie de cette mouvance d’habiter le territoire québécois.
L’implication communautaire et citoyenne est l’avenir social du Québec. Le COFFRET est dans une église, dans un bâtiment qui offre beaucoup d’opportunités, nous permet d’avoir des activités particulières, sans avoir à louer des salles. Je pense que c’est ce qu’on devrait faire avec les églises qui ferment au Québec, il faut les transformer en centres communautaires. Chaque village devrait avoir un lieu de rassemblement, pour développer les relations interpersonnelles, intergénérationnelle, avoir des projets de communauté, penser comment garder nos jeunes, prendre soin des personnes âgées, répondre aux besoins de services de garde. Je pense que notre société va vers un individualisme plus impliqué. Pour mieux se sentir, être plus heureux, Il faut que l’implication fasse partie de notre équilibre : équilibre professionnel, familial, mais aussi social. Nous devons être fiers de nos communautés, S’assurer d’avoir accès à des loisirs de proximité. Ce sont des responsabilités citoyennes envers lesquelles on voit de plus en plus de personnes s’impliquer. Je crois que c’est ça, l’avenir social du Québec, On a vraiment une démocratie très participative et c’est dans l’implication de chacun qu’on va garder cette démocratie vivante.
Le caractère de notre société. Notre société a des caractéristiques appréciables : la compassion, la coresponsabilité notamment. Chacun fait sa part. Tout est égal, tout se passe bien. C’est très important.
Si quelqu’un veut s’impliquer bénévolement pour aider les Ukrainiens qui arrivent, nous avons formé des sous-comités pour l’aide aux Ukrainiens : équipes de rédaction pour les demandes des personnes en processus d’immigration, d’aménagement des chambres, de mise en place de service de garde, de sécurité, d’évaluation des besoins et d’accompagnement, de cuisine, d’entretien, d’insertion en emploi, de production de CV, etc. Il va aussi y avoir des dons de vêtements, de meubles. Une association des Ukrainiens des Laurentides a été fondée et ils se mobilisent. Ces familles vont avoir accès à un programme allégé, assoupli, pour accueillir leurs familles. Ce sont des femmes, des enfants et des personnes âgées qui vont arriver, car il y a actuellement une conscription en Ukraine. Les hommes et le personnel médical n’ont pas le droit de sortir. Il y aura peut-être des enfants non accompagnés. On travaille également avec les députés pour accompagner le gouvernement dans les procédures. Le plus difficile est d’arriver à faire sortir les gens de l’Ukraine. C’est très difficile, même si le gouvernement assouplit toutes ses mesures. Ceux qui rentrent vont rapidement se retrouver sur le marché du travail. Il y a beaucoup d’entreprises déjà intéressées à les engager. Ils ne pourront sans doute pas suivre un programme de francisation à temps plein, mais nous aurons peut-être la chance de faire de la francisation dans les entreprises. Nous sommes contents de la réaction des gens des Laurentides. Beaucoup de personnes veulent mettre l’épaule à la roue. Il y a beaucoup de gens qui se préparent à accueillir des réfugiés. On peut trouver l’information sur notre page web. Dans une démocratie, on a le pouvoir de communiquer de l’information sans crainte. Osons aider ceux qui en ont le plus besoin.
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